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Critique

Milosevic, ses pompes et ses oeuvres

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Le romancier serbe Vidosav Stevanovic dresse le portrait acerbe de son compatriote Slobodan Milosevic.Histoire de la banalité du mal avec tyran, femme et enfants.
publié le 21 septembre 2000 à 4h35

Quand elle était encore l'insouciante capitale d'une Yougoslavie socialiste mais non alignée, Belgrade restait une ville un peu provinciale où tout le monde se connaissait, du moins dans certains milieux. Plusieurs fois l'écrivain Vidosav Stevanovic eut ainsi l'occasion de croiser un certain Slobodan Milosevic, «un événement à l'époque tout aussi insignifiant que le personnage», celui d'un apparatchik sans qualité mais ambitieux. «Inintéressant et banal, il était ordinaire au point d'en être répugnant. On ne remarque la terrible, l'indicible, l'impensable banalité du mal dont parle Hannah Arendt qu'au moment où le mal est fait» écrit aujourd'hui celui qui fut parmi les très rares intellectuels serbes à dénoncer l'acte de force qui, en 1987, porta Milosevic au pouvoir dans le Parti serbe. «Ce n'était là qu'un lointain coup de tonnerre que seules ont alors entendu quelques personnes au sommeil léger, fébrile, inaptes à replonger dans la léthargie. Depuis je suis insomniaque, au sens propre comme au figuré. J'écris au lieu de dormir. C'est pourquoi ces pages vibreront de la lumière fantomatique de minuit.»

L'auteur passionné et prophétique de la Neige et les chiens (1), de Prélude à la guerre, ou de la Même chose (2) avait décrit dans des livres hallucinés les horreurs des carnages de l'ex-Yougoslavie, les villes bombardées, les campagnes dévastées où errent des cochons engraissés par les cadavres et des tueurs exaltés qui se surnomment entre eux «Conan», «Terminator» ou «Ninja»