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Libération
Critique

Zoé Valdés, le destin nu

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Dans les camps agricoles et obligatoires pour la jeunesse cubaine, le récit d'une vie dure où sexe et frustration débordent de toutes parts.
publié le 21 septembre 2000 à 4h34

Livre après livre, l'écrivain cubain Zoé Valdés ronge la madeleine amère de l'exil. Chaque phrase répercute un souvenir recomposé dans la colère, l'impatience, le désespoir de ne plus pouvoir vivre «la maudite circonstance d'être entouré d'eau de toute part», comme écrivait le poète Virgilio Piñera. Zoé Valdés vit en France depuis 1995 et pense moins qu'elle ne sent: ses romans portent la marque de ce désordre et de ces contradictions. Elle écrit beaucoup, trop sans doute. Ses récits partent dans toutes les directions. Ils changent brusquement de tempo, de forme, de ton, comme si un génie ou un rêve la tirait par la main. Elle dévore sa madeleine de mots en affamée. En ce sens, elle est bien cubaine. La disette a tapé sur le système de ce peuple jouisseur: «Vivre dans les restrictions, écrit-elle, conduit très vite à des débordements irrépressibles.» Tout livre d'elle est donc un débordement irrépressible. Il ne faut pas y chercher le bon goût, la perfection, l'unité de ton. Zoé Valdés prend tout ce qui remonte, désirs et frustrations, puis le jette sur la page comme si le temps brûlait.

Cher premier amour évoque avec vigueur une expérience de jeunesse propre à Cuba: l'école des champs. Pendant six ans, tout adolescent doit passer chaque année une période de quarante-cinq jours au travail agricole pour l'Etat. Ces camps permettent aux jeunes de découvrir la nature, la paysannerie, mais aussi la faim (on y mange mal et peu) et les corps: la promiscuité y fait exploser les inst