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Critique

Durand, tireur d'élytre

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Insectes, vipères, caïmans: rencontre avec Frédéric Durand, qui a couché sur le papier son bestiaire intime pour marquer sa circonspection devant l'indélicatesse du monde.
publié le 28 septembre 2000 à 4h48

Clermont-Ferrand envoyé spécial

Le troubleau n'est pas seulement un filet avec lequel on attrape les insectes d'eau. C'est aussi un filet qui permet de récolter les souvenirs d'un homme: le premier livre de Frédéric Durand, 38 ans, 3 enfants, entomologiste le jour et typographe la nuit. Il a mis des années à fabriquer cet écrin de passions rentrées; il y évoque, au travers des insectes, batraciens, mammifères, serpents, son enfance et sa jeunesse. Son vertige devant l'immensité des petites bêtes. Ses voyages solitaires, parfois suicidaires, dans la jungle guyanaise. La mort de sa mère («Sur le sable, le ressac recouvre les crabes verts. Là-bas, maman disparaît dans l'étreinte d'un cancer», chapitre «Le crabe»). Sa tristesse à l'école («Même un mauvais élève ne peut échapper au bon point», chapitre «La

punaise»). Son horreur de l'ordre social. Fait de pudiques et vibrantes miniatures ailées, ce bestiaire intérieur marque sa circonspection devant l'indélicatesse du monde.

Pour échapper aux hommes, il faut changer d'ordre. Il faut «s'hymenoptériser». Quand Frédéric Durand suit une guêpe, sa spécialité, il devient guêpe et oublie les hommes. Courir derrière l'insecte, dit-il, c'est se placer «dans l'oeil du cyclone». Tout devient calme, beau, puissant, complexe; la vie se dégage; on admire dans la précision. Partout, Frédéric Durand plante ainsi son petit arbre de liberté zoologique.

Il vit dans un pavillon de la banlieue de Clermont-Ferrand. Il a vu le béton dévorer peu à peu les c