Un certain nombre de romans en cette rentrée interrogent les rapports entre réalités réelle et virtuelle, à l'intersection du seul média qui compte de ce point de vue: notre propre corps. Et plus précisément, ces textes se demandent ce que cela fait de sortir de son corps et de se faire dévorer par la fiction, ce que cela fait quand on veut dépasser la métaphysique dans son propre moi: est-ce que ça passe ou est-ce que ça casse?
Ça casse les pieds, pourrait répondre Alain Fleischer, puisque l'un de ses Quatre voyageurs se fait littéralement casser le pied par quelqu'un d'autre, non pas par une action externe, mais parce qu'un maladroit occupe à sa place son enveloppe corporelle, dont il abîme un pied par inadvertance. Heureusement, le narrateur exproprié de son corps habite en échange celui de son collègue empoté, ce n'est pas une histoire de fantômes. Et même, puisqu'ils sont quatre voyageurs, le roman ne s'achèvera pas qu'on n'ait parcouru toutes les figures possibles, que chacun n'ait éprouvé le corps des trois autres. Pour Jean-Hubert Gailliot, au contraire, ça passe, et même tellement bien que ça disparaît, puisque son «voyage dans le nada» met en scène de pervers cinéastes «prêts à débourser des sommes fantastiques pour acquérir les droits d'adaptation de votre vie». Ces contrebandiers-là franchissent les frontières d'autant plus aisément que «la fiction est partout désormais, elle irrigue notre temps et notre espace quotidiens, chaque interstice de nos vies est infiltr