Le Suédois Per Olov Enquist, dès les années soixante (il est né en 1934), a mis en place le rouleau compresseur critique qu'il allait ultérieurement définir ainsi: «Sois soupçonneux. N'accepte rien. N'accepte pas une version donnée: pense par toi-même. Sois soupçonneux. Il n'y a pas de sainte objectivité, pas de vérité ultime, il n'y a pas à faire abstraction de l'interprétation politique. Soupèse, soupçonne, mets en question.» (Programme souvent cité, notamment par Régis Boyer, dans son Histoire des littératures scandinaves). L'Histoire, ses personnages (Hess ou Messmer le magnétiseur, Strindberg ou Hamsun), ses traces écrites, représentent un terrain d'application idéal. Enquist n'a pas imaginé que des «romans documentaires» ou des scénarios du réel, mais il a trouvé là de formidables leviers, pour reprendre une image qu'il aime bien.
Il dénude les forces de coercition, le moment où un piège se referme sur l'individu. Le Second (traduit en 1989 chez Actes Sud) raconte l'histoire d'un sportif qui se met à tricher pour la bonne cause du sport ouvrier suédois. Les Récits du temps des révoltes ajournées évoquent des contemporains déboussolés, prêts à trier eux-mêmes le bon grain de l'ivraie, cette dernière bien sûr d'essence communiste ou gauchiste. C'est au nom de la purification, pour éradiquer les radicaux qui prétendent instaurer le ciel sur terre, et aussi pour conjurer ses propres démons que Guldberg le nabot, en 1772, saborde la révolution danoise, dans les faits, et dan