Pour des générations de lycéens, le dictionnaire latin-français publié en 1934 par Félix Gaffiot a représenté un peu plus qu'un outil de travail. Ce gros volume à la reliure toilée lie de vin avait quelque chose d'un rite de passage adolescent, voire constituait un véritable status symbol en des temps où l'apprentissage du latin était encore une distinction scolaire et sociale. Certains exemplaires en ont solennellement été transmis de père/mère en fils/fille, comme un meuble de famille. Il faut dire que c'était de la solide ouvrage et que depuis sa parution en 1934, il s'est imposé comme la référence en fait de dictionnaire latin de langue française. Pour la première fois en l'an 2000, ce quasi-monument national a été l'objet d'une restauration en profondeur.
A l'occasion de la nouvelle version du Gaffiot, on découvre avec surprise la figure de son auteur effacé derrière son oeuvre. Après tant d'années, il est temps de publier que Félix Gaffiot était un drôle de loustic! Sa trogne épanouie l'avait fait surnommer «le mousquetaire» à la Sorbonne où il n'a jamais dépassé le grade universitaire modeste de chargé de cours et où il s'est attiré la hargne de certains de ses collègues. Il avait, il est vrai, la peu confraternelle habitude de donner à ses étudiants le «corrigé»... des corrigés de thème ou version concoctés par ses collègues latinistes. Mais surtout, tout comme le poète Horace, ce célibataire aurait pu se revendiquer Epicuri de grege porcus («porc du troupeau d'Epicur