Dans son premier livre, On ne parle jamais de Dieu à la maison, L'Olivier, 1998, Ariane Gardel procédait par bribes, de petites phrases essayées, à peine osées, déposées là avec précaution, comme on marche sur des oeufs, prêtes à être reprises, la main sur la bouche, la peur d'en dire trop, le besoin d'en dire plus, et puis dire enfin, parce que c'était écrit pour ça, dire la vraie douleur, dire que maman est morte. Ce second roman, le Poids de la neige, bien qu'il présente de conséquents paragraphes, une certaine continuité de récit, laisse sur la même faim, et sur la conscience pourtant d'avoir été rassasié sous la becquée à la fois légère et essentielle, les bribes sont plus longues, et moins flottantes dans le blanc des pages, elles sont noyées dans d'autres blancs, celui de la neige, celui des draps d'hôpital.
Une jeune femme est allongée sur un lit dans une chambre numérotée, pour une seule nuit, dit-elle, pour un examen, peut-être pour un plus long séjour, celui qui prépare à la parturition, elle ne souffre pas, elle attend, elle guette les bruits extérieurs, les allées et venues, tente de reconstituer à partir de ces éléments sonores, des visites furtives, professionnelles des infirmières, médecins, filles et garçons de salle, la vie de l'établissement, voire la vie elle-même. Sa propre vie. De son céans elle aperçoit l'autre chambre, d'un autre temps, d'un autre hôpital, celle où sa mère est morte. Ou une lettre écrite à un amour de jeunesse, un premier amour au nom