Yann Moix ne pense qu'à lui, il est peut-être le seul, et cherche à le prouver en sortant la grosse écriture: «Etre un génie, c'est être un génie de soi.» Dans les reflets d'Anissa Corto, le miroir qui lui sert de troisième roman, l'écrivain de 30 ans, bientôt 40, mais toujours à l'âge bête, se mire donc avec le plus de «génie» possible à travers des fantômes de grands morts qu'il appelle «mes maîtres», par exemple, au hasard, Proust et Chateaubriand («C'est à trente ans que nous comprenons que, pour la première fois de notre vie, l'espoir n'est plus exclusivement situé dans l'avenir, mais aussi dans le passé»). Chaque phrase ou presque annonce la couleur, la hauteur de la barre qu'il prétend passer. Il se barbouille de mots et de formules, pour mieux s'enivrer de la certitude d'être bientôt un grand, tirant des traites sur la postérité dont il rêve. C'est trop: Yann Moix a du talent, mais il devrait l'oublier. Deux expressions, «j'eusse aimé», «j'eusse voulu», l'abus global de l'imparfait du subjonctif, trahissent la méthode Coué de ce livre egocentriquement posthume. Mais comme son auteur a le sens de l'éclat des mots, qu'il fait reluire comme de vieux pare-chocs, de nombreux passages de son ouvrage hors du temps, morbide, infantile, ostentatoire, toujours en limite de plagiat, sonnent fort: «Les grands mots d'amour n'ont pas bougé. Les morts disaient les mêmes mots dans leur jeunesse. Ce que nous attendons de l'amour, les morts l'attendaient aussi. Ils sont partis sans do
Critique
Hypertrophie du Moix
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par Philippe Lançon
publié le 5 octobre 2000 à 5h05
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