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Libération

L'ombre d'un douteur

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publié le 5 octobre 2000 à 5h05

Je n'écris pas pour l'éternité, mais pour gagner de l'argent.» «Je n'écris pas pour changer le monde, je ne pourrais rien écrire si j'avais des intentions si énormes.» Cette modestie de Friedrich Dürrenmatt est trompeuse. Les ambitions de l'écrivain suisse-allemand né en 1921 et mort en 1990, telles qu'elles transparaissent dans le choix d'entretiens aujourd'hui traduits, ne sont guère moindres que celles dont il se moque. «Ce qui est en cause, ce n'est pas le salut du monde, c'est le désordre dans lequel il menace de sombrer. L'écrivain est comme empoigné par l'imperfection, l'imperfection lui fournit matière à créer», dit-il. Et aussi, quand son intervieweur lui fait remarquer que son oeuvre ne pousse «pas à penser idéologiquement, mais à critiquer les idéologies»: «Je dissuade. Je dissuade tout le monde. J'entraînerais vers l'incroyance quiconque n'est capable que d'elle. (..) Je ne sais pas si je m'exprime clairement, mais je suis un douteur. Je doute, je doute, je doute. Et ce n'est qu'à cette condition initiale que je commence de discuter.»

Inventeur, avec le Soupçon, le Juge et son bourreau, la Promesse, la Panne, de ce qu'on a appelé «le roman policier métaphysique», le romancier a connu un succès mondial au théâtre avec la Visite de la vieille dame où l'influence de l'argent sur la morale est démontée avec une cruauté et un humour particuliers. L'ironie est un mode d'expression privilégié de Friedrich Dürrenmatt. Sa logique est toujours paradoxale, c'est être écrivai