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Libération
Critique

Les errants de la Baltique

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publié le 5 octobre 2000 à 5h05

En s'attaquant à l'Extradition des Baltes dans les années soixante, Per Olov Enquist plonge sa plume dans une plaie profonde de la société suédoise. A la fin de la Deuxième Guerre mondiale, des dizaines de milliers de Baltes fuient l'avancée soviétique et traversent la mer Baltique pour se réfugier en Suède. Parmi eux, une poignée de militaires qui portent l'uniforme allemand, soit qu'ils aient été engagés volontaires, soit enrôlés de force. Au total, comme le note Per Olov Enquist dès les premières lignes du livre, 167 hommes dont 7 Estoniens, 11 Lituaniens et 149 Lettons, la plupart ayant servi dans la 15e division SS lettone. Emprisonnés en Suède, ils furent réclamés par l'URSS. Le gouvernement suédois s'empressa d'accepter. Pendant la guerre, la toute neutre Suède avait eu des tendances collaboratrices avec l'Allemagne. Comment refuser ce petit service à une grande puissance victorieuse alors que la Suède n'avait pas franchement la conscience tranquille?

Malgré une forte mobilisation de l'opinion suédoise, une grève de la faim des Baltes, deux suicides, les 146 Baltes en état de faire le voyage sont extradés en janvier 1946 vers l'URSS. Certains furent envoyés en Sibérie, d'autres relâchés après six mois de prison. Comme avec le Médecin personnel du roi, Per Olov Enquist se livre à un minutieux décorticage d'une crise politique, de ses mécanismes, de l'engrenage dans lequel tombe le petit homme, qu'il soit soldat balte ou fonctionnaire suédois, avec une précision presque