La violence, a souvent proclamé Norman Mailer, est un antidote existentiel indispensable pour survivre à la «plastification» de la société moderne. Et la boxe, par conséquence, un «art du XXe siècle» par excellence. Elle est à la fois morale et philosophie de la vie pour ceux dont le talent, à l'instar de son maître en littérature, Hemingway, dépend de leur capacité à «vivre sur ce terrain psychique où l'on doit soit transcender les limites de son courage, soit sombrer dans une maladie de plus en plus débilitante [...] soit précipiter le moment d'une nouvelle approche de sa propre mort, selon la logique sans failles du suicide.» Remarque tirée d'un texte analysant un épisode pugilistique de la vie de «Papa» Hemingway dont Mailer, le chroniqueur le plus fécond et rageur de l'Amérique contemporaine, a choisi de faire le «prélude» de la vaste auto-anthologie de ses oeuvres qu'il a éditée et publiée en 1998 (1).
Quand il reçoit dans sa grande maison sur la plage de Provincetown, au Cap Cod, il aime d'ailleurs évoquer pour le visiteur les épiques bagarres à poings nus qui avaient lieu jadis dans les cafés où pêcheurs d'origine portugaise et artistes en rupture d'avec le «cauchemar air conditionné» de l'après-guerre évoquaient le fantôme de Rocky Marciano et autres géants du ring. Il conserve les clichés de l'époque, au début des années cinquante, où il enfilait lui-même les gants pour pratiquer le noble art dans une salle d'entraînement de Brooklyn période dont on imagine qu'il a