Au roman, Vincenzo Consolo ne croit pas ou ne croit plus, et il lui arrive de se plaindre que la société de communication de masse ait asséché les racines profondes de la mémoire et de la langue, et dérouté ainsi le lecteur. Romancier, le personnage principal du Palmier de Palerme, ne croit pas lui non plus au roman et se défend d'en écrire un. Ce récit serait-il alors autobiographique, un document qui, sous couvert de relater les ruines d'un monde, raconterait les malheurs de son auteur? On le craint par moment, mais on se rassure: non, Consolo n'a pas d'enfants et donc pas de fils qui ait choisi l'exil à Paris pour échapper à un mandat d'arrestation, après avoir quitté l'Italie des années de plomb; de même, Consolo n'a pas quitté Milan, le lieu de ce qui est devenu au fil du temps une sorte d'exil intérieur, pour revenir dans son île natale d'où il était parti au début des années 1960. C'est sûrement cela qui fait l'étrange beauté de ce Palmier de Palerme, d'être à la fois le plus «romancé» des romans de Vincenzo Consolo et, en même temps, celui qui dit le mieux la vérité de l'auteur sicilien, mais aussi de sa génération et de celle qui l'a suivie, bref du dernier demi-siècle de l'histoire italienne. A donner corps à ce sentiment, sa sombre lumière, concourt certainement la sollicitude de la traduction de Jean-Paul Manganaro (et il faut saluer le travail de ce passeur incomparable entre l'Italie et la France Gadda et des dizaines d'autres dont le Seuil a fait paraître
Critique
Milan de solitude
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publié le 5 octobre 2000 à 5h05
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