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Critique

Nature Nietzsche

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Une biographie enlevée de la pensée du père de Zarathoustra par le philosophe Rüdiger Safranski. Un best-seller outre-Rhin.
publié le 5 octobre 2000 à 5h04

Après que Zarathoustra a quitté le marché, et donc le lieu où il pourrait se rendre ridicule, il parle dans le vide. Nietzsche aurait dû laisser sur scène "les derniers hommes" et Zarathoustra aurait dû lutter contre eux, ainsi seulement la doctrine du surhomme aurait-elle acquis plus de relief et un profil plus net», lit-on p. 241. Voilà ce qui s'appelle biographer à coups de marteau. Rüdiger Safranski, 55 ans, philosophe affable au regard pétillant, est peut-être un des premiers à oser aussi ingénument suggérer quelques améliorations à la pensée et l'écriture du maître. C'est sa méthode: Heidegger et son temps était déjà bâti sur une méfiance toute adornienne à l'égard du berger de l'être. «Je pars de mes propres résistances, elles me permettent de créer une scène sur laquelle le lecteur peut s'interroger. » Ce faisant, Safranski a scrupuleusement suivi une recommandation de Nietzsche lui-même, placée en exergue: «une dose de curiosité [...] avec une résistance ironique, me semblerait une manière incomparablement plus intelligente de m'aborder.»

En Allemagne, ce Nietzsche est la troisième meilleure vente des essais. On imagine mal le même succès en France: aussi bien, on ne distribuait pas Zarathoustra aux soldats du front comme ce fut le cas outre-Rhin pendant la Première Guerre mondiale. Mais «biographie d'une pensée», qu'est-ce à dire? Qu'on n'y trouvera pas de ragots croustillants: la théorie très répandue selon laquelle Nietzsche aurait été un homosexuel refoulé est pa