Menu
Libération
Critique

Le diable, probablement

Article réservé aux abonnés
Par Yann Apperry, un troisième roman à partition romantique, qui rend souffle à une prose issue d'un maniérisme tardif .
publié le 12 octobre 2000 à 5h17

On ne sait pas exactement quand se déroule Diabolus in musica, troisième roman de Yann Apperry. Quelque part au XXe siècle probablement, puisqu'il est si souvent question de jazz et même une fois de György Ligeti. Pour le reste, ce roman fleure bon le rayon des antiques. Moe Insanguine n'a pas seulement un nom improbable, façon XIXe siècle décadent, il a aussi une mère morte en couches, un père alcoolique et absent, un ami-maître qui lui révèle les secrets de la musique, une fiancée qui se suicide dans les marais. Diabolus in musica est donc assez exactement ce qu'on appelle un roman d'apprentissage, d'ailleurs parfaitement organisé. Chapitre 2-1: «Moe ­ je dirai à présent l'histoire de ma naissance et de mon nom.» Chapitre 4-1: «Je vais dire à présent l'histoire de mon amour, tel qu'il naquit, tel que je vins à le perdre.» Chapitre 5-1: «Je vais dire à présent mon entrée dans le monde.» On ne révélera pas la fin, sinon pour dire que Moe réalise que dans son nom, Insanguine, il y a sang, ce qui n'est pas forcément bon signe.

Diabolus in musica ressemble à un jeu sombre. Yann Apperry a dû se dire quelque chose comme: j'écrirai à présent un roman tel qu'on ne peut plus les écrire. Le meilleur ami de Moe se prénomme Lazarus Jesurum, patronyme guère probable non plus, mais qui a le mérite de désigner clairement l'enjeu du roman, la résurrection des hommes et des formes. Comme le dit encore la fin du livre: «J'écrirai pour la vie, j'écrirai pour la lui rendre, j'écrirai pour celle