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Libération
Critique

Le paradoxe de Sen.

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L'économiste indien tente de concilier liberté individuelle et contrainte collective.
publié le 12 octobre 2000 à 5h17

Amartya Sen n'est pas un économiste comme les autres. Voilà un auteur très apprécié par le courant orthodoxe (il a enseigné à Harvard et à Cambridge et il a reçu le prix Nobel en 1998), les institutions libérales comme le FMI ou la Banque mondiale et dont une partie des recherches, appuyée sur la microéconomie et l'individualisme méthodologique, porte sur des sujets très académiques comme la théorie des choix collectifs. Mais, par ailleurs, il peut être qualifié de tiers-mondiste pour ses réflexions critiques sur la pauvreté et l'équité, dont l'une des conséquences est de mettre en cause la pensée économique contemporaine. C'est de ce paradoxe que résulte sans doute la profonde originalité de Sen: tout en acceptant nombre des hypothèses de la théorie économique dominante, il la conteste fortement de l'intérieur, à sa manière toujours subtile et nuancée. L'usage qu'il fait d'Adam Smith est ainsi très révélateur: il recourt souvent aux écrits du père fondateur de la science économique, référence légitime s'il en est, auquel il voue une grande admiration, mais c'est surtout pour montrer comment la science économique en a fait une lecture trop réductrice, à propos de la nature de l'intérêt individuel et des comportements économiques par exemple.

Un nouveau modèle économique constitue une synthèse des principaux travaux de Sen, qui tous s'articulent autour du thème de la liberté économique. «Le développement peut être appréhendé comme un processus d'expansion des libertés réelles