Le vieil écrivain plein de sagesse est une figure familière. Le secret en semble pourtant perdu, et Thomas Mann et Hermann Hesse sont parmi les derniers à avoir tenu ce rôle, volontiers pour le premier et comme à l'insu de son plein gré pour le second. L'auteur des Buddenbrook et de la Montagne magique, prix Nobel 1929, est né en 1875 et mort en 1955. L'auteur de Demian et le Loup des steppes, prix Nobel 1946, est né en 1877 et mort en 1962. Ils se fréquentèrent mais furent plus liés par l'estime que par l'amitié, compagnons plutôt qu'intimes. Paraissent aujourd'hui, quinze ans après le volume précédent qui couvrait les années 1918-1921 et 1933-1939, le Journal des quinze dernières années de la vie de Thomas Mann (il a détruit les pages des autres périodes), et aussi un recueil de textes établi par Hermann Hesse septuagénaire et qui, poèmes, souvenirs, essais, ont tous pour thème la vieillesse. A-t-elle vraiment rendu l'un et l'autre plus sages?
Pas plus sereins, en tout cas. Dans son exil américain, Thomas Mann est évidemment agité par la guerre mondiale et l'état de son pays. Mais, quoique ne faisant pas toujours preuve d'un sens politique très aiguisé ni d'informations très sûres («Il paraît que la persécution des Juifs a beaucoup reculé», 28 janvier 1941), il personnifie parfaitement l'artiste et l'intellectuel, le représentant de la bonne culture allemande, au gré de divers textes et conférences. «La considération décisive et la certitude qui me reste, c'est que par ma n