Quelles sont les difficultés quand on travaille sur l'histoire des couleurs?
Pour commencer, nous ne voyons pas les couleurs du passé telles qu'elles ont été, mais telles que le temps les a transformées. Et l'écart est parfois considérable. Nous les voyons aussi dans des conditions d'éclairage qui n'ont aucun rapport avec les conditions du passé. On l'oublie quand on regarde un tableau de la Renaissance, et pourtant, c'est très important. Mais la principale difficulté, c'est qu'on ne peut pas projeter sur le passé nos conceptions actuelles de la couleur. Un exemple: le spectre des couleurs, dans l'ordre de l'arc-en-ciel, était inconnu avant la fin du XVIIe. L'historien a-t-il le droit de tenir compte du spectre quand il étudie les couleurs produites par des sociétés qui en ignoraient tout, qui pensaient et classaient les couleurs autrement? En même temps, il ne peut pas non plus ignorer les vérités de son temps. Comment faire? Il faut aussi tenir compte des conventions. Le bleu par exemple est pour nous une couleur froide, la plus froide de toutes. Les robinets de nos salles de bain sont là pour nous le rappeler. Mais dans les sociétés antiques, médiévales, et même pour Raphaël ou Poussin, le bleu est encore une couleur chaude.
Pendant l'Antiquité, le bleu est tellement inexistant qu'il n'y a pas de mots pour le nommer?
En latin ou en grec, le ciel et la mer sont rarement qualifiés de bleus. Le vocabulaire est flottant. En grec, l'adjectif kyaneos qualifie aussi bien le bleu de