La quatrième de couverture nous assure que Demi-teinte, premier roman de Danzy Senna, née à Boston en 1970, est en cours d'adaptation cinématographique. Ce n'est pas tellement étonnant. Demi-teinte est un road roman qui fera un parfait road movie. «Il y a longtemps, j'ai disparu. Un jour j'étais là, le lendemain, je n'y étais plus. (...) Le lendemain, je n'étais plus personne, juste un corps sans nom et sans histoire, assise avec ma mère, à l'avant de la voiture, à rouler sans arrêt.» Birdie fuit, parce que sa mère, bien que Blanche, est impliquée dans les mouvements de protestation du Black Power et se croit recherchée par le FBI. Birdie a laissé derrière elle son père, intellectuel noir plus occupé à écrire qu'à lutter, et sa soeur, Cole. Au début, entre Cole et Birdie, tout allait bien: «Avant de me voir, j'ai vu ma soeur. Trop petite encore pour les miroirs, je la voyais comme le reflet de ma propre existence.» Au début, il n'y a pas de je, mais un nous, une utopie collective, familiale et communautaire et même un langage commun et inventé entre Birdie et sa soeur. Le roman ausculte la lente désagrégation de cette fusion-là. Un jour notamment, il a fallu se rendre à l'évidence et le torchon a brûlé. Cole est noire, tandis que Birdie a hérité de sa mère et passe au pire (au pire selon la mère de sa mère) pour une Sicilienne, ce qui n'est pas absolument déshonorant. Deux races, deux discours, deux langues.
Demi-teinte est donc le roman d'une errance métaphorique. Si Birdie,