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Critique

Ogawa essaime

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Rencontres SM entre une très jeune fille et un homme pas très vieux dans «Hôtel Iris» de Yôko Ogawa, son livre le moins sybillin.
publié le 19 octobre 2000 à 5h33

Yôko Ogawa nous avait habitués, sans jamais nous lasser, à de très courts récits (une soixantaine de pages), six ont été traduits en français par Rose-Marie Makino-Fayolle, aux Editions Actes Sud, et cette fidélité de la traduction n'a pas peu contribué à l'impression de cohérence que donne son oeuvre. Et voici le septième qui déroge par sa longueur et dérange par l'explicite de son thème. Les six petits livres de Yôko Ogawa brillent dans notre mémoire comme des grains de mica dans le noir du granit, on s'en souvient comme d'un malaise, comme le don pervers de bousculer les choses sans jamais avoir l'air de les toucher, comme d'un frisson, une griffure anodine dans une chair offerte, souvent anonyme (les personnages ont rarement des noms), la fausse naïveté acidulée grinçante qui a le talent de passer pour vraie, et l'excuse permanente de l'innocence enjouée. Chacun de ces textes a la grâce de dire le quotidien des choses en écrivant dans la marge non dite mais évidente de l'inconscient, le lecteur se voyait mouillé jusqu'à l'âme dans ces histoires de jeune fille au regard écarquillé, sans la moindre morale, où le monde ne se partage pas entre le bien et le mal, mais entre le bien-être et le malaise, et l'aveu que le second donne parfois plus de plaisir que le premier. Bref, on lisait cela en marchant sur des oeufs, ou plutôt claudiquant un pied sur le trottoir, l'autre dans la caniveau où le moindre faux pas peut entraîner une chute fatale. Yôko Ogawa, on l'entendait rire,