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Libération
Interview

Schmidt décisif

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Parution en français de deux recueils d'Arno Schmidt, casseur de linéarité et rénovateur de la langue allemande d'après-guerre. Entretien avec Claude Riehl, son héraut et traducteur
publié le 19 octobre 2000 à 5h32

La langue maternelle de Claude Riehl est l'alsacien, mais il en fut privé. A la fin des années 50, l'école voit encore les dialectes régionaux d'un sale oeil et les extirpe vaille que vaille. Par un assez logique retour du bâton, Claude Riehl, après des études de philosophie, est devenu traducteur de l'allemand. Joseph Roth, Oskar Panizza sont quelques-uns des auteurs qu'il a traduits, sans compter les kits industriels et les modes d'emploi qui assurent les fins de mois. Car Claude Riehl aime les traductions au long cours d'auteurs à la langue inventive et chatoyante donc forcément peu rentables. Arno Schmidt est un de ces auteurs-là. Il a fallu quatre ans à Riehl pour traduire Soir bordé d'or (1), un an pour mettre au point Caliban sur Setebos, dernière nouvelle du réjouissant Vaches en demi-deuil. Histoires, en revanche, autre recueil de nouvelles qui paraît ces temps-ci, fut plus rapide à traduire, car ces textes-là, destinés à assurer un peu d'argent au couple Schmidt végétant dans la misère, sont nettement plus abordables. Lire Histoires est une bonne façon de se familiariser avec l'univers de Schmidt, et son goût entre autres pour les sourires éclairs-pervers de jeunes filles.

Arno Schmidt, qui a commencé à publier au début des années 50, dérouta longtemps les lecteurs par son écriture d'une richesse et d'une inventité prodigieuses qui le situe dans la lignée d'écrivains comme Rabelais ou Joyce et en fait une sorte d'équivalent, selon Riehl, de Raymond Queneau. Exemple