Le rire est le propre de l'homme, mais les façons de l'exprimer diffèrent selon les cultures. «Dis-moi si tu ris, comment tu ris, pourquoi tu ris, de qui et de quoi, avec qui et contre qui, et je te dirais qui tu es», écrivait Jacques Le Goff, pionnier dans la réflexion historienne sur ce sujet. Le rire est un objet historique exceptionnel, car il dit beaucoup sur les façons d'être ensemble dans une société. Norbert Elias a montré combien les pratiques culturelles du quotidien et les comportements ordinaires (autour de la pudeur et du savoir-vivre) constituent un enjeu important pour le devenir des sociétés dans la longue durée. Les manières de rire sont moins bien connues. Ecrire leur histoire est difficile car les sources sont rares pour saisir ces moments fugaces et souvent anodins, qui participent plutôt d'une culture de l'oral. Ils sont pourtant eux aussi très révélateurs des caractères d'une époque que ce soit le rire de Rabelais cher à Bakhtine pour la Renaissance, ou la fameuse controverse autour de la question «Jésus a-t-il ri une seule fois?» pour le Moyen Age.
L'ambition d'Antoine de Baecque est de mener ce type d'opération pour le XVIIIe siècle. Spécialiste des Lumières, il veut en donner une autre image, plus insolite et moins académique, mais qui participe tout autant de cette culture que la littérature de Voltaire ou la peinture de Boucher. Pour lui, cette époque est aussi un «âge du rire», parce qu'une culture spécifique s'est constituée autour du fait de ri