Le texte le plus célèbre, le plus traduit de Manuel Rivas tient en une quinzaine de page, une nouvelle discrète, enfouie au milieu de son recueil Que me veux-tu mon amour, un peu en marge de son univers souvent féerique, quinze pages qui ont explosé à la figure de l'Espagne toute entière, comme l'évidence d'une culpabilité collective: la Langue des papillons. Le recueil, publié en 1996, a reçu le prix Torrente Ballester et le prix national de la Critique espagnole. Le réalisateur Jose Luis Cuerda en a tiré un long métrage apprécié par l'auteur, tourné en castillan et doublé en galicien (sortie en France le 29 novembre prochain).
La Langue des papillons raconte l'histoire d'un enfant qui dit s'appeler «Moineau», il se rend pour la première fois à l'école avec épouvante et finit par adorer son instituteur. Le maître est un homme bon, doux et compétent, il sait mettre ses élèves en confiance et espère qu'un jour il aura un microscope capable de montrer l'incroyable longueur et la souplesse de la langue du papillon. Le père de Moineau est républicain, sa mère catholique, eux aussi aiment ce maître: le père, tailleur, lui offre un costume. Survient le coup d'Etat de Franco, les républicains les plus en vue sont arrêtés, dont, bien sûr le maître d'école. Ils passent menottés devant la foule insultante, la mère pousse le père à proférer des injures: «Qu'ils te voient crier Ramon, qu'ils te voient crier!», et le père se lance, se chauffe, sa colère (contre lui-même?) enfle, gronde, i