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Libération
Critique

Afrique fractale.

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Putschs, massacres interethniques, famines mais aussi fêtes du quotidien. Une introduction au continent noir par le Polonais Kapuscinski, artiste du grand reportage.
publié le 2 novembre 2000 à 6h06

Ce n'est pas facile d'écrire sur l'Afrique. Ryszard Kapuscinski en sait quelque chose, qui, depuis plus de quarante ans, arpente ce continent, où il a vécu longtemps comme correspondant de l'Agence de presse polonaise. Ce journaliste de 68 ans, dont Salman Rushdie a dit qu'il avait élevé le grand reportage au rang d'art, a ramené de ses tribulations plusieurs ouvrages, et notamment le Négus, sur l'empereur éthiopien Hailé Sélassié, devenu un classique du genre, tout comme le Shah, en 1980. Pas plus que les précédents, Ebène, aujourd'hui traduit, ne prétend être un essai définitif sur l'Afrique noire contemporaine mais plutôt, comme son sous-titre l'indique, une succession d'«aventures africaines». L'ensemble prend la forme de brefs chapitres, qui mènent d'Addis Abeba à Zanzibar et de Bamako à Kampala, et dont l'ordonnancement obéit moins à la chronologie (il y a très peu de dates) et à l'autobiographie (malgré quelques souvenirs personnels, une attaque de cobra, une succession de cambriolages, une crise de paludisme, une embuscade dans le désert) qu'à une volonté anthropologique de dégager des lignes de force, des tendances profondes. Ainsi agencées par un conteur-né, ces impressions d'Afrique dévoilent une mosaïque foisonnante, un collage à la mesure de l'extraordinaire diversité du continent, un «puzzle» fait de «minuscules cailloux, cubes, coquillages, bûchettes, paillettes et feuilles» et dont les «pièces changent de forme, de couleur pour former un spectacle étourdissan