Avec Edouard Ruiz, Lionel Follet a établi cette édition d'inédits d'Aragon du fonds Doucet. Les deux hommes appartiennent à la belle espèce populaire, romantique et stylée des vieux aragoniens. En 1997, Follet avait déjà publié chez Gallimard une édition, augmentée de 70 pages inédites, de la Défense de l'infini. Universitaire en retraite, d'une infinie courtoisie, il a lu les poèmes d'Aragon à 15 ans, dans l'après-guerre. Plus tard, il a introduit Aurélien au programme de licence de l'université de Besançon. Il aime aussi Apollinaire, Saint-John Perse et René Char.
Comment définir les rapports entre le couturier-mécène Jacques Doucet et le jeune Louis Aragon?
Doucet est d'abord l'homme qui fait vivre Aragon de 1922 à 1926. Il lui verse l'équivalent d'un Smic par mois, de 500 à 1000 francs, et Aragon n'a alors quasiment pas d'autres ressources. Doucet est un peu le Yves Saint-Laurent de l'époque. Un septuagénaire fortuné, sceptique et désenchanté, un grand collectionneur qui aime voir vivre une société parisienne et littéraire qui ne le reçoit pas forcément. Aragon est son envoyé brillant dans ce monde-là. Mais Doucet, qui est très riche et généreux, est aussi assez pingre, ou du moins, exigeant: il a toujours l'impression qu'on le vole, qu'on ne lui donne pas assez de pages pour son argent. D'où ces lettres d'Aragon, qui doit rendre des comptes, même en vacances: tenir une sorte de journal intérieur épistolaire.
Le rapport entre les deux hommes n'est pas seulement financier et