Aucun écrivain n'a eu avec la démence un lien à la fois aussi léger et aussi dramatique que Robert Walser, souvent présenté comme un précurseur de Kafka (que son patron aux Assicurazioni generali compara à un personnage de Walser). Les héros des romans ou des «proses brèves», dont paraît aujourd'hui le deuxième volume, de l'écrivain allemand né en 1878 sont des êtres d'une fantaisie exaltée qui semblent avoir avec la vie un lien inconnu, plus direct. «J'ai l'impression, en ce moment délicieux pour moi, d'être le contentement en personne», dit le narrateur de «Mes efforts» dans Nouvelles d'un jour, recueil de textes de quelques feuillets destinés aux journaux.
Côtoyer la folie fut son existence même, et ce fut un malheur. Carl Seelig rapporte, dans Promenades avec Robert Walser (Rivages), comment l'écrivain lui raconta son entrée à la clinique psychiatrique de Waldau, en 1929. «J'ai commis à l'époque quelques tentatives avortées de suicide. Je n'étais même pas capable de faire un noeud coulant digne de ce nom. Pour finir, ma soeur Lisa m'a emmené à l'hospice Waldau. Devant le portail de cet établissement, je lui ai encore demandé: "Tu crois que c'est la solution?" En guise de réponse, elle observa le silence. Que pouvais-je faire d'autre qu'entrer?» Le 13 juin 1933, il est transféré malgré lui à l'asile de Herisau où il restera jusqu'à sa mort, le 25 décembre 1956. En 1940, il dit encore à Carl Seelig: «Il est absurde et grossier, me sachant dans un hospice, de me demander de