Il y a sans doute des mystères que la littérature ne lèvera jamais. Eric Cantona était-il un très grand joueur de ballon? A lire entre les lignes de touche, Bernard Morlino le laisse entendre, mais personne ne peut lui en vouloir: l'homme parfait n'existant pas, la vie de chacun est faite d'erreurs, condamnables ou non. Dans Manchester Memories, souvenirs pointillistes d'une relation tissée dans les fils de ces maillots qu'on tire mais qui ne se déchirent pas, celui qui fut le biographe d'Emmanuel Berl et de Philippe Soupault s'approche en tout cas du but (raconter les années anglaises d'un footballeur français au col relevé dont il ne cite jamais le nom) en s'éloignant à petites foulées du compte rendu minuté de l'existence, ou du portrait trop énamouré.
Ni le livre d'or du football de Gérard Ejnès, somme contractuelle sur les rebonds de la balle, ni Carton jaune de Nick Hornby, catalogue plombant d'un obsédé d'Arsenal, Morlino construit le jeu en convoquant sur ses feuilles de match une admirable sélection d'internationaux, Roger Nimier et Otis Redding, Akira Kurosawa et Paul Verlaine. Pour mieux mettre en perspective le rond de cuir et les belles lettres, les travées d'Old Trafford (le stade de Manchester United où il s'est rendu régulièrement) et les comportements d'un homme au talent reconnu uniquement de l'autre côté de la Manche. Tout se joue ainsi dans le «théâtre des rêves» comme les Mancuniens surnomment leur terrain, là où la belle aventure s'est terminé lorsqu'en