Réunir en six gros volumes une anthologie de la littérature polonaise du XXe siècle, aucun éditeur ne pouvait songer à se lancer dans un projet si périlleux. Un homme seul l'a fait: Karl Dedecius. Et a su entraîner des éditeurs dans son sillage. Né en 1921 à Lodz, ce forcené a vécu la plus grande partie de sa vie en Allemagne, devenant par son énergie et sa boulimie à traduire du polonais, le premier passeur de la littérature polonaise en langue allemande: 90 livres au compteur, dont les 50 volumes de sa «Bibliothèque polonaise» chez Suhrkamp. Aujourd'hui, les éditions franco-polonaises Noir sur Blanc entament la publication en langue française des deux premiers volumes de son vaste Panorama, consacrés à la poésie. Suivront la prose (deux volumes), les oeuvres courtes (un volume) et un dernier tome rassemblant des portraits des écrivains choisis, dont plus d'un, faut-il le préciser, est inédit en français.
Un bataillon fourni de traducteurs s'est attelé à la tache de forcément trahir cent poètes polonais du XXe siècle, dix par décennie (Dedecius dit aimer le chiffre dix). De la «jeune Pologne» au début du siècle, chapitre titré les Ames nues, jusqu'à la décennie du siècle finissant, celle du «provisoire»: le plus jeune, Artur Szlosarek, est né en 1968. On retrouve des noms familiers comme Stanislas Wyspianski, Czeslaw Milosz, Tadeusz Rozewicz, Zbigniew Herbert et, bien sûr, Adam Zagajewski. Mais les découvertes abondent, plus ou moins bonnes (le choix procède d'une «vue démog