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Critique

Jonas, terre humaine

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La pensée de Hans Jonas (1903-1993) forge la conscience écologique de notre temps. De la gnose à une éthique adaptée à l'âge de la technique, l'itinéraire du philosophe.
publié le 9 novembre 2000 à 6h21

Défigurée, polluée de toutes parts, la nature semble aujourd'hui appeler au secours et demander qu'on protège son intégrité contre les menaces du développement technique et industriel. Voilà qui contraint l'éthique à changer de cap: elle ne peut plus avoir pour objet les seuls rapports entre les hommes, mais la biosphère tout entière, de même que la responsabilité ne doit plus être celle de l'individu mais celle de l'humanité dans son ensemble. Aussi, au-delà de Kant, faut-il affirmer un autre impératif catégorique, fondé sur la nécessité d'assurer un futur au futur: «agis de telle sorte que les conséquences de ton action soient compatibles avec la permanence d'une vie authentiquement humaine sur Terre.» Tel est le «principe responsabilité», concept qui, à lui seul, suffit à identifier Hans Jonas.

La conscience écologique de notre époque trouve assurément dans la pensée de Hans Jonas l'une de ses expressions philosophiques majeures. C'est au moment où il se trouve confronté à la pensée américaine, au milieu des années 50, que Jonas accentue son intérêt pour le monde naturel. Poussé par une forte exigence morale ­ qui ne soit plus seulement la morale classique de l'amour et du respect d'autrui ­, il entreprend alors de bâtir une nouvelle philosophie de la nature, soucieuse de ce que l'insouciance de l'homme fait à l'environnement, et apte à répondre aux problèmes posés en particulier par l'ingénierie génétique (dont il est l'un des premiers à s'occuper d'un point de vue philos