Menu
Libération
Critique

La marque jeune

Article réservé aux abonnés
A quoi ressemble la jeunesse française fin de siècle? Pour Anthony Palou, à rien. Au vide.
publié le 9 novembre 2000 à 6h22

Quand la belle Camille rencontre le beau Marc en fac de médecine à Nantes dans les années quatre-vingt, une belle d'histoire d'amour commence. Elle prend corps au resto U, et voilà ce que ça donne: «Le restaurant bourdonnait comme une salle de théâtre avant le lever de rideau. Elle prit sur son plateau en formica marron une assiette de choux rouges, du hachis parmentier et un yaourt. Il choisit la même chose excepté le yaourt qu'il remplaça par une compote pomme-banane Andros. Elle termina tous les plats, il ne toucha presque rien excepté sa compote.»

Evidemment, ça ne préjuge de rien. Un destin peut naître dans une cuiller de compote Andros, sur un matelas Dunlopillo ou dans un livre aux éditions Bartillat. Mais celui des personnages du premier roman d'Anthony Palou, né à Quimper en 1965, est tué dans l'oeuvre. Palou raconte avec une rage précise une jeunesse française de la fin du siècle. Ils semblent jeunes et vivants; ils sont desséchés d'avance: dévitalisés par défaut d'imagination et par excès de signalisation. Leur vie, leurs envies, leurs souvenirs, tout est balisé. Tout crie la marque d'une absence et d'un produit. Comme les serfs, Camille, Marc et leurs amis portent les enseignes de leurs seigneurs: Johnny Walker, Kronenbourg, Ferrari, Simple Minds, Jeux interdits, une actrice, le Nouvel Obs.. Camille ne refuse qu'une marque: Brigitte Bardot. «Elle ne supportait pas qu'on lui dise que Bardot s'appelait comme elle dans le Mépris car elle n'aimait ni Bardot ni Godard.