François Rosset, 34 ans, est statisticien. C'est indiqué au dos de chacun de ses livres. Et quand il a fini d'être employé, il écrit. A ses semaines blêmes, il arrache des nuits blanches. Pour son deuxième roman, Négociation, en 1997, il avait veillé trois années. Aujourd'hui, il est fatigué. Alors, dans ses deux derniers textes publiés, dit-il, il a un peu «lâché la bride» à son imaginaire, il a vraiment écrit pour se faire plaisir. Froideur, son quatrième livre, est un recueil de poèmes en prose. Le titre n'est pas franchement affriolant et l'écriture, exigeante, abstraite, ne satisfait guère aux normes actuelles de productivité littéraire. Pourtant, sous l'abstraction, le lecteur saura reconnaître une intimité plus à vif que dans n'importe quel récit réaliste.
François Rosset ne s'exprime que par atténuations, il évoque sa «pâleur biographique», se moque de lui-même, s'accuse à tort de «prétention» quand il explique le projet de Froideur, qui est «de donner chair à un affect, celui de froideur, à travers la contemplation de l'humanité en train de souffrir, au travail... mais avec une distance massive entre le regard et l'objet». De fait, chacun des fragments de Froideur vous plante un glaçon dans le coeur et on ne descend dans ce Minuit que pour y voir sa bougie soufflée mais comme dit Mallarmé, «le Néant parti, reste le château de la pureté». Si Un subalterne (1995), son premier roman, était une étude maussienne des «corps en posture» dans le monde de l'entreprise, avec