Etre géographe revient à étudier ce qui s'inscrit sur la terre, mais qu'est-ce que l'être de la géographie, son ontologie, bref sa philosophie? Dans Ecoumène, Augustin Berque entend apporter des éléments de réponse à une question apparemment simple et pourtant si peu explorée par les géographes comme par les philosophes, et qu'il a ruminée pendant plus de trente ans, pratiquement depuis qu'il a commencé à faire de la géographie. Il ne s'agit donc pas de faire l'état d'une discipline, mais d'en produire plutôt le concept, à partir précisément de celui d'écoumène, ce mot grec (de oikeô, habiter, que l'on retrouve dans économie ou écologie) qu'Augustin Berque remet au féminin de l'origine, pour définir «ce en quoi la terre est humaine et terrestre l'humanité», en somme, «la relation à la fois écologique, technique et symbolique de l'humanité à l'étendue terrestre». Orientaliste et arabisant, Jacques, le père d'Augustin Berque, s'était voulu homme des deux rives de la Méditerranée; le fils, directeur d'études à l'Ecole des hautes études en sciences sociales à Paris et enseignant l'étude des milieux humains à l'université du Miyagi, à Sendai, au pays du Soleil levant, a poussé encore plus à l'est son horizon.
Pourquoi la Chine a-t-elle inventé le paysage, une manière d'en parler, d'en jouir et finalement de le penser il y a quinze siècles, alors qu'à la même époque l'Occident décidait qu'il n'y avait rien à voir sur terre? C'est justement parce que la chinoise est, de toutes les g