Le philosophe Ernst Bloch (1885-1977), auteur du Principe espérance, qui voulait par son oeuvre ouvrir le marxisme aux potentialités de l'Utopie, dispose depuis samedi dernier de son propre musée, ouvert dans sa ville natale de Ludwigshafen (Palatinat). Outre les objets ayant appartenu au penseur allemand (sa pipe, ses lunettes, une statuette de Bouddha), les visiteurs pourront découvrir sa très riche bibliothèque, et avoir accès à ses archives. Proche, dans sa jeunesse, de Georg Simmel, de Max Weber et Georgy Lukacs, devenu docteur en philosophie par une thèse sur le néo-kantien Heinrich Rickert, Bloch, pacifiste convaincu, sympathisant de Rosa Luxembourg, s'exile en Suisse lors de la Première Guerre, et ne revient en Allemagne qu'après l'éclatement de la révolte spartakiste. En 1918, il publie son premier grand livre, dont le titre fixe l'orientation de toutes ses recherches futures, l'Esprit de l'utopie, et, deux ans après, Thomas Münzer, théologien de la révolution, le rival (de gauche) de Martin Luther. C'est à la même époque qu'à Berlin il rencontre Theodor Adorno, Walter Benjamin et Bertold Brecht.
Le nazisme le contraint à l'exil, en France, puis aux Etats-Unis. Les dix années américaines sont presque exclusivement consacrées à la rédaction du Principe espérance. Fixé en RDA, très critique vis-à-vis du marxisme dogmatique, «star» du mouvement étudiant, sensible à sa «futurologie» et à sa théorie de la créativité, Ernst Bloch reçoit en 1967 le prestigieux Prix de la pa