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Chalamov , l'homme d'enfer.

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Dans «Vichera»Varlam Chalamov (1907-1982) raconte son premier internement sous Staline. Passage à Vologda sur les traces de celui qui fit de dix-huit années de goulag un monument de la littérature russe: «les Récits de Kolyma».
publié le 16 novembre 2000 à 6h39

Vologda, envoyé spécial

Le vieil homme avait l'habitude de venir s'asseoir sur l'un des bancs devant cette maison sans âge de Volodga, face à la cathédrale Sainte-Sophie. Les familles étaient parties de cette maison communautaire, en ce milieu des années 80, on comptait y installer une annexe du musée des Beaux-Arts. C'est alors qu'au débotté d'une conversation sur le banc, l'homme raconta : s'il aimait venir s'asseoir là, c'est parce «dans cette maison, mon ami Chalamov passa toute sa jeunesse». A Vologda, tout le monde ignorait ça. Au demeurant nombreux étaient ceux qui ignoraient jusqu'au nom même de Varlam Chalamov dont les écrits avaient circulé dans le samizdat mais dont les Récits de Kolyma, l'une des oeuvres clefs du XXe siècle, n'étaient toujours pas publiés en Russie alors soviétique. Marina Nikolaevna Vorono ne l'avait pas lu. Aujourd'hui, directrice du musée Chalamov qui s'est ouvert en 1991 dans cette maison ­la maison natale de l'écrivain­, vivant modestement avec ses 30 dollars par mois, elle n'a de cesse de relire et de faire lire cet écrivain dont son musée ne possède en tout et pour tout qu'une montre à gousset et une sacoche en Skaï.

Dans la Quatrième Vologda (1) Chalamov (né en 1907) raconte cette enfance dominée par un père autoritaire, prêtre orthodoxe et forte tête dont la dénonciation des pogroms en pleine cathédrale lui valut d'être muté dans une église de la ville plus modeste. Une enfance de souffre-douleur. En 1924, l'année de la mort de Lénine, l'a