Menu
Libération
Critique

Café frappé.

Article réservé aux abonnés
L a fille du snack va-t-elle boire la tasse? L'Amérique provinciale, par McGarry Morris.
publié le 23 novembre 2000 à 6h59

Très vite, alors que la lecture de Fiona Range est à peine engagée, nous avons des soupçons, des idées, en ce qui concerne le problème fondamental de ladite Fiona Range. Imaginez une fille de 30 ans, belle et intelligente, qui gâche ses dons comme serveuse au Chester's Coffee Shop. Son père est un pauvre garçon revenu massacré de la guerre du Viêt-nam, qui ne l'a pas reconnue, et qu'elle croise de temps à autre dans la rue sans lui avoir jamais dit bonjour. Sa mère a disparu sans laisser d'adresse, faute d'avoir été épousée, et c'est la famille côté maternel qui l'a élevée. Deviner qui est réellement le père de Fiona Range nous donne une curieuse supériorité sur ce personnage. Nous détenons la clé d'une énigme dont elle ne sait même pas qu'elle existe. C'est que l'auteur, sans nous mettre dans le secret, nous met sur sa piste, rien qu'en nous faisant partager, de l'intérieur, la névrose de Fiona Range.

«Mais qu'est-ce qui cloche donc avec moi?», ne cesse de se répéter Fiona Range, et de se fustiger, et de se détester. Les romans de Mary McGarry Morris (Mélodie du temps ordinaire avant celui-ci) semblent illustrer parfaitement le fin fond de l'Amérique, dont ils disent le puritanisme ravageur. Moeurs provinciales, où on peut débarquer chez les gens à six heures du matin sans que se pose la question du laitier. Jeux du quant-à-soi et du qu'en dira-t-on: «Les travailleurs qui n'avaient rien à cacher relevaient leurs stores dès le matin». Culpabilité galopante de notre héroïne, q