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Libération
Interview

Des gammes anachroniques.

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publié le 23 novembre 2000 à 6h59

On ne prend pas grand risque à dire que ce qui vous fascine, ce sont les images...

En effet. «Ma grande, mon unique, ma primitive passion», comme écrivait Baudelaire dans Mon coeur mis à nu, c'est l'image. Avec cela, j'essaie, si possible, de faire oeuvre de philosophe et d'historien. J'aime attacher mon regard à toutes sortes de choses, contorsions hystériques et chefs-d'oeuvre de la Renaissance, ex-voto médiévaux et sculptures minimalistes, empreintes dans la poussière, taches de peinture, ou insectes qui se confondent avec les brindilles. Expérimenter avec les images, les toucher, les photographier inlassablement soi-même ­ j'ai une collection d'environ vingt mille diapositives ­ voilà ce qui me plaît. Produire certaines images pour en comprendre d'autres. Par exemple lorsque, pour une conférence au Louvre, sur l'histoire de la sculpture en cire, je réalise et projette un film vidéo de trois heures et demie où l'on voit une tête de cire du musée Grévin fondre jusqu'à l'informe. Lorsque je vais photographier des phasmes au vivarium du Jardin des Plantes pour travailler sur la notion d'apparition (1). Ou lorsque, pour expliquer à mes étudiants ce que le «tourbillon» du temps signifie pour Walter Benjamin, je photographie un strudel en gros plan. Mais tout cela est pour moi indissolublement lié à l'écriture poétique (j'aime Novarina) et à la question du rythme en général (j'aime Bach, Archie Shepp, le cante jondo). J'ai aussi un amour immodéré pour les bibliothèques, surtout