Quand on s'intéresse à l'histoire de l'art, on s'intéresse, en général, plus à l'art qu'à l'histoire. On ne peut, il est vrai, courir tous les lièvres à la fois. La difficulté est déjà immense de savoir si une oeuvre est une oeuvre d'art, et s'il faut, pour en saisir le sens, faire confiance à l'érudition traditionnelle du connoisseur, à la sociologie de la culture, à une approche «euchronique» («l'artiste et son temps»), à l'histoire sociale, qui en étudie les conditions de production et d'usage, à une lecture formaliste, qui en analyse les qualités stylistiques et les modes de création, à une interprétation psychologique ou psychanalytique, qui tente d'en révéler le mystère en pénétrant la personnalité de son créateur, etc. La question de l'historicité elle-même, du temps, on comprend, dès lors, qu'on veuille la laisser aux seuls historiens. Ce n'est pas l'avis de Georges Didi-Huberman, qui enseigne à l'Ecole des hautes études en sciences sociales, et dont on publie aujourd'hui Devant le temps.
De livre en livre depuis l'Invention de l'hystérie, une étude de l'iconographie photographique de la Salpêtrière, publiée en 1982 , Georges Didi-Huberman élabore en effet une sorte de «gai savoir», à la fois esthétique, philosophique et historique, qui, traquant dans l'image non le visible mais le visuel, non «ce qui se donne à voir» mais le symptôme de ce qui devrait être vu, non un «espace» où se déploient formes, signes et couleurs mais une concrétion de temps, un montage de te