Dans les années 20, de nombreux globe-writers parcourent l'Asie coloniale. Elle semble un jardin inquiétant et enchanté. Pour les expatriés, la vie coule entre l'alcool, la jungle et un ennui parfois excentrique, parfois misérable: George Orwell a décrit cela avec rage dans son roman Une histoire birmane. Somerset Maugham est tout aussi précis, mais plus tendre. Il a 48 ans lorsqu'il entreprend son voyage de Rangoon à Hong-kong, en 1922 et 1923. Il est un romancier-dramaturge fameux et fatigué de lui-même. On l'accueille dans les villages comme une sorte d'ambassadeur. Il se travaille l'imaginaire à dos de mule pour inventer un nouveau discours à chaque étape, jusqu'au jour où il se rend compte que son interprète, lui, traduit toujours le même. Il voyage pour rencontrer des hommes et regarder des paysages ou des oeuvres. L'information en soi ne l'intéresse pas: elle est «comme un escalier qui mènerait à un mur aveugle». Si tout passionne Maugham, c'est parce que rien ne l'étonne: «J'ai si vite fait de prendre les choses comme elles sont que je cesse de trouver quoique ce soit dans mon nouveau milieu. Il me paraît tellement naturel que les Birmans portent un paso de couleur que je dois faire un effort pour remarquer qu'ils s'habillent autrement que moi.» Il parle des autres avec naturel, humour. Il entre dans leur solitude, qui manifestement le renvoie à la sienne. De leur intimité, il ne tire aucun mépris. Jamais il ne dirait: comment peut-on être Persan? Il lui arrive cepen
Critique
Maugham, colonies de vacance
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par Philippe Lançon
publié le 23 novembre 2000 à 6h59