Au début, dans la joaillerie portugaise, on disait baroque une perle qui n'était pas parfaitement ronde, ensuite, le terme a migré, depuis l'Italie au troisième tiers du XVIe siècle, vers les lettres et la musique pour s'appliquer à toutes formes d'art et signifier, enfin, une époque entièrement vouée à la courbe et à ses évolutions. Au Baroque, à cette culture en tension permanente entre l'infiniment grand et l'infiniment petit et qui pourtant envoie Giordano Bruno sur le bûcher coupable d'avoir professé publiquement l'infinité des mondes , Benito Pelegrín consacre Figurations de l'infini, un livre baroque sur le Baroque. En effet, selon ce professeur à l'université de Provence né à Barcelone, aucune autre époque ne semble avoir été autant obsédée par l'infini bien que lui soit interdit d'en produire le concept car on ne voit pas encore comment élargir à une Création forcément finie l'attribut principal du Créateur. Aussi le Baroque n'a-t-il de cesse de l'évoquer et de l'invoquer, bref de l'éprouver en toutes formes et en tous arts, bref de dire l'infini sans le dire.
Avec la Découverte puis la Conquête de l'Amérique, c'est de la terre elle-même que le Baroque doit prendre les nouvelles mesures, au moyen de cartes, certes, mais aussi par toute une littérature de voyage, récits et poèmes, voire par des genres nouveaux tel l'utopie, qui permet d'adjoindre autant de non-lieux à un monde qui se rétrécit. Le corps de l'homme lui-même est soumis à un paradoxal changement d'éche