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Libération
Interview

Hitler, coeur des ténèbres

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Par l'historien britannique Ian Kershaw, une réflexion sur la manière à la fois instable et ferme dont le Führer exerçait son pouvoir.
publié le 7 décembre 2000 à 7h37

La place d'Adolf Hitler dans le système nazi reste aujourd'hui encore sinon un mystère, du moins un sujet de débat. Quelques historiens minimisent le pouvoir du Führer qui se serait contenté de maintenir la cohésion d'une polycratie en perpétuelle rivalité. Les autres soulignent le pouvoir absolu qu'exerce le tyran dans l'Allemagne du IIIe Reich. Faut-il le préciser, ce débat ­ déjà ancien ­ recoupe en partie la controverse opposant «intentionnalistes» et «fonctionnalistes». Dans un essai stimulant paru en 1995, Ian Kershaw dépassait cette controverse. En s'appuyant sur la notion de «pouvoir charismatique» chère à Max Weber, l'historien anglais prétendait que le pouvoir du Führer reposait avant tout sur le lien unissant un chef vénéré aux masses. Reposant sur la passion, un tel système tendait à échapper à la rationalité et se caractérisait par son instabilité. Pour ne pas décevoir les attentes de son peuple, le détenteur de ce pouvoir était condamné à une perpétuelle fuite en avant ne pouvant que mener à l'autodestruction. Cette thèse, séduisante, se présentait sous la forme d'un bref essai. Il fallait donc passer de la théorie à la pratique, et vérifier que les thèses avancées résistaient au feu de l'histoire. De fait, les 1632 pages que Ian Kershaw consacre à la période s'étendant de 1936 (remilitarisation de la Rhénanie) à 1945 emportent la conviction.

Le pouvoir d'Adolf Hitler s'exerce de façon singulière. Loin d'asseoir son autorité en établissant un système hiérarchiqu