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Libération
Critique

Todorov et le mal du siècle.

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Ce n'est pas parce qu'elle se drapent dans la bien pensance que les démocraties libérales doivent se parer des habits de la vertu. Démonstration par Tzvetan Todorov.
publié le 7 décembre 2000 à 7h37

«Justes», repentants, indigestion de «passé» totalitaire, traitement par anachronismes moralisant et distribution démocratique d'images saintes: l'époque est folle de la messe. Partout règne la mémoire du mal et partout règne le bien. Le nouveau livre de Tzvetan Todorov, Mémoire du mal. Tentation du bien, parle de cette grande névrose sulpicienne: du mal qui fut et de l'usage «moralement correct» qu'en font les vainqueurs démocratiques. Pour lui, le «mal du siècle», qui fut au temps des romantiques une sorte d'ennui mélancolique, est bien le «totalitarisme»: il y consacre les deux tiers de l'ouvrage. Mais, peu à peu, il replie celui-ci, comme une veste trop bien taillée, sur son envers. Et sous ce mal parfaitement identifié, il en voit surgir un autre. Un véritable ourlet de bien-pensance. Une récitation moralisante, douce à l'ego et tous azimuts, de l'affreux «passé» qui ne passe pas: une récitation pleine de héros destinés à dire le bien et à nous installer, de journal en tribunal, dans l'enfer secondaire de la bonne conscience. Or, écrit Todorov, «il est possible de résister au mal sans succomber à la tentation du bien». Possible, et même souhaitable: «Le totalitarisme peut nous apparaître, à juste titre, comme l'empire du mal; il ne s'ensuit nullement que la démocratie incarne, partout et toujours, le royaume du bien.»

Né à Sofia en 1939, Todorov est venu en France à l'âge de 24 ans. Adepte du libéralisme politique, il semble un fils bulgare de Tocqueville et de Constant.