«J'ai pris un détour pour arriver à la morphine.» Ainsi commence le texte, sous-titré Une confession, qui donne son titre au recueil. La morphine n'est
généralement pas un but et on ne souhaite pas trouver la ligne la plus droite dans son existence pour l'atteindre. Mais Friedrich Glauser fut un être très particulier. Né en 1896 et mort en 1938, l'écrivain suisse allemand connut au cours de son existence malheureuse fugues et internements ainsi que la Légion étrangère en Algérie, de 1921 à 1923. Les notions de culpabilité et d'innocence sont fondamentales dans son oeuvre. Son héros le plus fameux, qui intervient dans divers livres déjà traduits au Promeneur puis repris en 10/18, est l'inspecteur Studer, un homme déjà trop vieux quand l'écrivain s'y intéresse et qui a eu des ennuis avec la bureaucratie policière. Studer n'est pas un personnage de Morphine. Mais le livre, composé de vingt-cinq textes d'inspiration ouvertement autobiographique, parle plus de lui que les romans où il apparaît et dit mieux qu'aucun autre comment Friedrich Glauser, tel un coupable et tel un innocent, a tâché de se découvrir et de se sauver par l'écriture.
«Pouvez-vous imaginer un homme qui, quand il arrive dans une ville nouvelle, commence par regarder où se trouvent les pharmacies?» Friedrich Glauser fut cet homme. Même la psychanalyse ne parvint pas, d'un coup de baguette magique, à le débarrasser de la morphine et de toute son existence précédente. «Je ne puis qu'écrire, me tenir tranquille et m'