Un regard à la couverture du livre de Fabrice Virgili suffit à convoquer les représentations ancrées dans l'imaginaire de chacun: deux patriotes entraînent une femme dont le visage et l'identité sont dissimulés par une abondante chevelure; le sous-titre précise son devenir... Et le lecteur d'anticiper sur le contenu de l'ouvrage: épuration sauvage, collaboration horizontale, résistants de la dernière heure sans doute, victime peut-être. Mais dès l'introduction, l'auteur brise «l'image uniforme de "la tondue" [...] paravent derrière lequel restait caché le factuel».
L'historien a donc débusqué des faits, cherchant leurs «évocations aux marges des sources existantes». Ces données comblent une lacune historiographique et sortent le châtiment de son statut de «souvenir flottant». (1) Evaluées à vingt mille, les tontes sont une pratique répandue. Cette comptabilité cartographiée, certes difficile et aléatoire, rectifie leur chronologie: débutées dès 1943, repérables encore en 1946, elles ne sauraient être un phénomène spontané et sporadique de la Libération. Le chiffre, non définitif, dénonce l'interprétation unique de la tonsure: elle est une «sanction à toutes les formes de la collaboration» alors même que «l'équivalence entre tonte et relation sexuelle est [...] contemporaine du phénomène»; or la tonte pour relation intime ne concerne que 57 % des cas mais touche à 96 % des femmes, preuve de son caractère sexué.
Seules 8 % des tondues subissent le châtiment des ciseaux pour fait