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Libération
Critique

Les ciseaux de la tonsure.

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Un essai sur les camps de femmes, et un autre sur les «tontes» pendant l'épuration, stigmate d'un retour de bâton de la virilité lors d'une Libération qui ne fut certainement pas celle la femme.
publié le 21 décembre 2000 à 8h22

Un regard à la couverture du livre de Fabrice Virgili suffit à convoquer les représentations ancrées dans l'imaginaire de chacun: deux patriotes entraînent une femme dont le visage et l'identité sont dissimulés par une abondante chevelure; le sous-titre précise son devenir... Et le lecteur d'anticiper sur le contenu de l'ouvrage: épuration sauvage, collaboration horizontale, résistants de la dernière heure sans doute, victime peut-être. Mais dès l'introduction, l'auteur brise «l'image uniforme de "la tondue" [...] paravent derrière lequel restait caché le factuel».

L'historien a donc débusqué des faits, cherchant leurs «évocations aux marges des sources existantes». Ces données comblent une lacune historiographique et sortent le châtiment de son statut de «souvenir flottant». (1) Evaluées à vingt mille, les tontes sont une pratique répandue. Cette comptabilité cartographiée, certes difficile et aléatoire, rectifie leur chronologie: débutées dès 1943, repérables encore en 1946, elles ne sauraient être un phénomène spontané et sporadique de la Libération. Le chiffre, non définitif, dénonce l'interprétation unique de la tonsure: elle est une «sanction à toutes les formes de la collaboration» alors même que «l'équivalence entre tonte et relation sexuelle est [...] contemporaine du phénomène»; or la tonte pour relation intime ne concerne que 57 % des cas mais touche à 96 % des femmes, preuve de son caractère sexué.

Seules 8 % des tondues subissent le châtiment des ciseaux pour fait