Aljaz Cosini n'est pas doué pour la vie. Dès la première page, il raconte comment à sa naissance il manque s'étrangler. Page 19, on se rend compte qu'il est carrément en train de mourir. La Tasmanie est très prisée pour le pittoresque de ses cours d'eau. Le narrateur accompagnait un groupe de rafting. Pas de chance, c'est lui, le guide, qui coule. Alors tout lui revient dans un tourbillon d'images: son père Harry, un Tasmanien «de souche»; sa mère Sonja, une Slovène de Trieste; l'amour (perdu) de sa vie, Couta Ho; des ancêtres qui habitèrent ce coin d'Océanie. Certaines scènes se passent en 1832, 1941, 1946... il ne les a pas vécues; il en est seulement le témoin forcé. Une extralucidité qui l'effraye, presque autant que son angoisse. Ce mal incurable, comme une tare de naissance. Ni boire, ni fumer de l'herbe «par sachets entiers» n'y pouvait grand-chose. Travailler «jusqu'à ce son corps brûle à force de douleurs et de souffrances physiques» ne servait de rien non plus. Quant à l'amour? «Il avait essayé de se trouver une femme pour annuler cette noirceur et, à l'occasion, pas souvent, il lui était arrivé d'en trouver une, mais au lieu que ce soit lui qui pleure auprès d'elle, il la faisait pleurer devant lui, c'était inéluctable, comme si la souffance de cette femme lui assurait que la sienne n'avait rien d'une aliénation solitaire, mais qu'elle constituait la clé de voûte d'une humanité dont il désirait farouchement faire partie [...] ». Et le destin d'Aljaz de se dérouler
Critique
Rivière sans retour.
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par Sean James ROSE
publié le 21 décembre 2000 à 8h22
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