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Libération
Critique

Son nom sur le bout de la langue.

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Louis Hjelmslev a forgé l'essentiel des concepts de la linguistique moderne. Une monographie lui rend justice.
publié le 21 décembre 2000 à 8h22

Gilles Deleuze a parlé de lui comme d'un «géologue spinoziste». Jacques Derrida l'a critiqué dans De la grammatologie. Des psychanalystes, tels Jacques Lacan et Serge Leclaire, ou des philosophes des sciences comme Gilles Gaston Granger, ont tiré parti de ses intuitions. La première génération de sémioticiens ­ Michel Arrivé, Roland Barthes, Umberto Eco, Christian Metz, Georges Mounin ou Algirdas Julien Greimas, son «descendant» le plus direct ­ s'est nourrie de ses analyses paradigmatiques du «langage» des feux de signalisation routière ou des carillons des horloges. Pourtant, la figure de Louis Hjelmslev (1899-1965) est restée celle d'un fantôme: présent en esprit dans toutes les grandes recherches de sémiotique, il est évoqué, invoqué, mais demeure évidemment invisible. Le penseur danois, père de la glossématique, animateur du Cercle de Copenhague, qui donna à la linguistique contemporaine une impulsion comparable à celle qu'elle reçut du Cercle de Prague (Troubetzkoy, Jakobson, Benveniste...), partage en fait le sort des grands fondateurs: les concepts qu'il a forgés ­ connotation par exemple, ou métalangage (1) ­ sont utilisés par tous, tombés, si on peut dire, dans le domaine public, si bien qu'on ne sait plus à quel César il faut les rendre.

Particulièrement opportune apparaît donc la publication du Hjelmslev de Sémir Badir. Cette monographie redonne en effet un peu de «visibilité» à un «maître souterrain», dont l'oeuvre, bien que disponible en français (2), n'a en eff