Dans les trois romans de Tim Winton traduits en français, dont la lecture suffit à nous attacher définitivement à lui, pèse une menace. La Femme égarée est une course poursuite à travers l'Europe. Cet oeil, le ciel amène en pleine lumière une machination vue par un enfant. Les Ombres de l'hiver (paru en 1988) convoque une bête meurtrière. En ranimant leurs cauchemars, elle précipite le destin des quatre personnages, un vieux fermier et sa femme, un citadin solitaire et une ex-hippie enceinte: «Si seulement nous n'avions pas eu tant de choses à dissimuler, tant d'occasions d'être rattrapés par la peur.» La forêt est noire et hantée comme un inconscient. Dans la journée les défenses cèdent, comme «quand les les continents commencent à se disloquer en vous». Le fermier raconte, à travers qui l'écrivain se fait entendre: «C'est étrange comme on hérite des souvenirs des autres.»
Quand avez-vous écrit ce livre?
Je l'ai terminé à Paris en 1987. Cela aide d'être loin, d'avoir le mal du pays, on se souvient avec plus d'acuité. Mais la meilleure distance, c'est moins douze mille kilomètres que douze ans. La mémoire est un filtre, un tamis, je ne peux pas écrire sur ce qui se passe maintenant, c'est trop d'informations, je suis paralysé par l'immédiateté des détails. Les livres sont faits des morceaux qui ne sont pas passés au travers du tamis. Rilke parlait de la passion retrouvée dans la tranquillité. Ma mémoire est tout ce que j'ai, ces choses qui viennent de l'enfance, des voyages. L