Samedi
Attention, progrès
Tchernobyl. Arrêt du réacteur. Le récit de l'explosion, le 26 avril 1986, fait froid dans le dos. Tous ceux qui ont été envoyés sur place pour combattre le fléau sont morts. Contaminés par le césium 137 qui met trente ans à disparaître, les autres, tout autour, dans un décor de fin du monde, vivent un enfer. C'est comme une peste que les hommes auraient eux-mêmes déclenchée. Le monstre est enfin réduit à l'impuissance. Mais il n'est pas exterminé. Le mal qu'il a fait est à l'image du siècle qui s'achève: puissance formidable de la science, renversement du progrès. Ce qui domine le XXe siècle, de glorieuse et sinistre mémoire, ce sont les progrès foudroyants de la science. De la physique mathématique dans la première moitié du siècle. De la biologie moléculaire dans la seconde moitié. C'est un éblouissement. Il aboutit d'un côté à la bombe atomique et à tous les cauchemars du nucléaire, de l'autre à Dolly, au clonage, aux manipulations génétiques. Longtemps positive, l'idée de progrès se retourne comme un gant. Ne jetons pas le bébé avec l'eau du bain. Voudrions-nous nous passer de tous les fruits du progrès? J'aurais mauvaise grâce moi-même à critiquer la science: à mon âge, il y a cent ans, avant l'explosion scientifique, je ne serais pas en train d'écrire des fadaises sur le progrès je serais déjà mort.
La science est ambiguë. Elle retire le pouvoir à la nature, à la providence, à l'ordre des choses pour le confier