Coire envoyé spécial
Chaque vendredi, les lecteurs de La Quotidiana se précipitent sur les pages culturelles de leur journal pour y découvrir la suite de leur feuilleton favori. La rumur dal füm tient sur trois petites colonnes placées au-dessus des avis de décès. Son auteur, l'écrivain Oscar Peer porte allégrement ses soixante-douze printemps. Il espère bien faire paraître un jour sa Rumeur du fleuve en traduction française. En attendant, le quotidien de Coire distille hebdomadairement son texte sous la forme d'une galerie de portraits qui, au final, devrait constituer un recueil autobiographique.
Peer est ravi. Car son troisième roman, écrit en romanche, est enfin accessible aux francophones. Les deux premiers, il les avait rédigés directement en allemand. Celui-là porte le titre Accord qui signifie littéralement «travail à forfait». Coupe sombre est le choix de la traductrice. C'est une heureuse trahison. Une coupe sombre consiste à n'enlever qu'une partie de la forêt pour permettre l'ensemencement de nouveaux arbres. L'expression est d'autant plus appropriée que le personnage principal est bûcheron. Mais une coupe sombre désigne aussi une suppression importante pratiquée dans un écrit. On ne pourrait mieux décrire l'impression produite par le style de l'auteur. Apreté du ton, raréfaction du vocabulaire, évitement du registre métaphorique, maniement inlassable de la litote, Coupe sombre ressemble à Oscar Peer. A moins que ce ne soit le contraire.
Dehors, il est coiffé d'un b