«Je devais reconnaître qu'une femme de son temps et de son pays, connue et admirée d'un vaste public, était vrai- semblablement montée sur scène. Car à l'époque [...],il n'y avait d'autre carrière enviable pour une femme» se dit l'observatrice entrée comme par effraction dans la salle à manger d'un hôtel d'un autre siècle, dans une contrée résignée à voir rétrécir ses contours sur la carte de l'Europe, une nation pourtant, une patrie avec patriotes nostalgiques dont Gombrowicz cernera plus tard le particularisme en parlant de la «polonitude». Dehors la neige tombe en grésil. Dedans se donne, à l'issue d'une première théâtrale, une de ces réceptions où nul ne manque de la société cultivée de la ville, ni le banquier, ni le juge, ni le critique local, ni le médecin au regard mélancolique à la Tchekhov. On célèbre le succès d'une femme aux cheveux blond cendré; non point la fille ou la veuve de quelqu'un, non point une gouvernante, ni une institutrice, ni une prostituée; une femme déjà un peu trop âgée pour être danseuse, qui certes aurait pu être chanteuse... mais non, elle est actrice: «Sa grande allure s'imposait aux autres comme de la beauté; les gestes précis, le regard impérieux; et la façon dont parfois elle ruminait et hésitait, sans conséquences. Pour moi, elle ressemblait à une actrice. Et je me dis que je devais accorder plus d'importance à l'évidence, que les gens ressemblent surtout à ce qu'ils sont.»
L'observatrice s'effaçant dans le renfoncement d'une fenêtre, Sus