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Critique

Le nouvel Hobbes

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«Léviathan», texte fondateur d'une nouvelle science de l'Etat, dans une traduction inédite.
publié le 4 janvier 2001 à 21h29

Voici assurément un événement philosophique: la traduction intégrale et inédite (1), publiée directement en poche, de l'un des grands ouvrages de l'histoire de la pensée: le Léviathan de Thomas Hobbes. Un ouvrage peu lu en vérité, tantôt réduit aux formules célèbres qu'il contient (la condition des hommes est «la guerre de chacun contre chacun»), ou ne contient pas («l'homme est un loup pour l'homme»), tantôt regardé avec des lentilles déformantes, l'une rapetissant la théorie de la connaissance, la théorie juridique et la théologie critique qu'il expose, l'autre grossissant la théorie politique ­de sorte que l'absolutisme de Hobbes y apparaisse comme la préfiguration de l'Etat totalitaire.

Pour grandiose ou mégalomaniaque qu'il soit, le projet de Hobbes n'est pourtant pas ambigu. Il veut réaliser dans la «philosophie civile», morale et politique, la même révolution que celle opérée par Galilée dans la science des corps physiques et par William Harvey dans la science du corps humain. Et il y parvient. Rares sont en effet les oeuvres qui tranchent aussi nettement avec la tradition, jettent dans le vide de l'inconsistance la philosophie grecque, chassent aussi allègrement les fantômes de la métaphysique, montrent l'autonomie du langage par rapport à l'être («le vrai et le faux sont des attributs de la parole, non des choses»), affirment un matérialisme radical (tout est corps et mouvement, «dieu» est un mot, et ce mot renvoie aussi à un corps), dénoncent le mélange pernicieux e