Quel sera le sort du redoutable petit roman de Jean-Paul Enthoven? A ceux qui loueront sa forme, si classique, si française, aphorismes et passé simple, nous aurons envie d'expliquer que le style d'Aurore est complètement toc. A l'inverse, à ceux qui railleront ce mimétisme propre aux gens de lettres aucun peintre d'aujourd'hui n'aurait pour ambition de plagier sérieusement David, alors que la plupart des romanciers veulent écrire Adolphe il sera tout aussi juste de dire que chaque phrase du récit d'Enthoven est vouée à la littérature, en un flirt désespéré, et que son narrateur est un hommage conscient à tous les amants romanesques qui ont raconté leur malheur à la première personne.
«Avant de rencontrer Aurore, je louvoyais parmi des sentiments qui ne s'adressaient qu'à une part infime de mon être.» Le narrateur, adulte orphelin, vit des tableaux de son père qu'il liquide. Il a donc rencontré Aurore. Il n'a pas posé de question, il a accepté ses conditions (l'argent et la liberté), ils ont vécu six mois, sont partis en vacances. Leur séjour en Italie est de ceux qu'on décrivait dans les livres d'autrefois, personne à l'hôtel, rien que des pêcheurs sur le port, et «on nous servait du café et des fruits», à d'autres moments on leur sert un dîner, ou on leur sert des huîtres. Dans ces milieux, pas la peine de commander.
Aurore a soudainement disparu sans laisser d'adresse. Aurore est un flash-back. «Elle avait détruit ce je ne sais quoi dont l'absence défigure et qui m'avait